Dans la continuité de mon livre blanc sur la réduction des dépenses et les gains de productivité, on s’intéresse ici à la question de l’offshore…
Aïe! Débat douloureux et difficile à traiter sereinement.
Alors, je ne vous promets pas d’y arriver. Par contre, je vais vous faire un petit retour d’expérience sur le sujet.
L’offshore qu’est ce que c’est?
De l’usine à toutes les fonctions de l’entreprise…
Afin de réduire les coûts de personnel, certaines sociétés vont au-delà de l’externalisation et décident de passer en mode “offshore” certaines de leurs activités.
Qu’est-ce que ça veut dire? Qu’elles délocalisent ces activités dans un pays à bas coût. On a déjà entendu parler des usines de production dans des Pays où la main d’oeuvre est moins chère, mais la délocalisation ne se limite pas aux activités de fabrication ou aux tâches du personnel ouvrier.
De nos jours, et à mon avis, de plus en plus avec la digitalisation, tous les processus ou presque peuvent être transférés en « Offshore ». Dernier exemple en data, il est possible d’externaliser sa comptabilité au Madagascar… Il semblerait même que de nombreux Cabinets Comptables aient recours à ces services. Sans forcément vous le dire d’ailleurs!
Mode d’emploi de l’offshore
Les entreprises qui passent en offshore ont deux options.
Soit elles créent elles-mêmes une structure dans un pays où les coûts de main d’oeuvre sont bas. Soit elles passent par un fournisseur se trouvant dans un pays à coût inférieur. Elle combinent alors la délocalisation avec les « bénéfices » liés au fait d’externaliser ses activités.
Quel que soit le mode choisi, l’enjeu est de transférer tout ou partie d’une activité vers des salariés (directs ou indirects) dont le coût est inférieur. Ceci induit, comme on peut l’imaginer une économie significative sur les coûts opérationnels.
De nombreux grands groupes internationaux ont ainsi créé des Centres de Services Partagés (CSP) à l’étranger. Ainsi, il est désormais courant dans de nombreuses multinationales que les équipes en charge du traitement des factures, de la supervision technique ou métier, ou encore de l’enregistrement de nouveaux clients, soient centralisées dans un même pays et ce, pour tout le groupe.
Avec l’essor des Systèmes d’Information globaux (aaah sacré SAP!), j’ai vu plusieurs sociétés qui mettaient en place des centres de services liés à la data quality. Ainsi, la création d’un fournisseur ou la mise à jour des informations produit sont centralisées dans un pays à bas coût car elle nécessite de nombreuses opérations manuelles de saisie.
Dans quelle situation l’envisager?
Bien sûr, transférer des activités en Offshore induit une certaine complexité.
Là encore, comme quand il s’agit d’externaliser, il faut envisager ce type de projet comme du long terme. Surtout, il vaut mieux connaître la législation sociale du pays, si on ne veut pas avoir de mauvaises surprises…
C’est pour cela que ce sont surtout des grands groupes qui optent pour ce levier. Les structures plus petites auront intérêt à envisager une sous-traitance voire une externalisation plutôt que de se lancer dans l’offshore.
J’ai tendance à considérer que pour lancer une délocalisation il faut :
- que les tâches soient à faible valeur ajoutée (donc forcément pas de « core business »),
- qu’elles soit extrêmement « processées », voire industrialisées (répétitives, documentées, on ne se pose pas de question…)
- que leur délocalisation ne vous met pas en risque par rapport à la protection des données et le RGPD,
- que ces tâches ne requièrent pas du temps réel. En effet, la délocalisation peut induire du délai de réaction; surtout si le pays n’est pas dans le même fuseau horaire,
- qu’ils ne concernent pas la relation client . Il vaut mieux privilégier le « back-office » car le client peut mal percevoir l’offshore. Dans certains cas, des problèmes de langue peuvent entraîner des incompréhensions.
Deux petites anecdotes
A titre personnel, comme vous tous, j’ai déjà été confronté à l’offshore. Parfois sans m’en rendre compte. De nombreux centre d’appels sont ainsi délocalisés dans des pays à bas coût. Le Maghreb, notamment, a l’avantage d’être dans le même fuseau horaire que la France et de présenter des populations formées et francophones. Les Pays anglo-saxons ont tendance à privilégier l’Inde. On retrouve les mêmes critères de formation et de langue mais le problème du décalage horaire se pose.
Quoi qu’il en soit, sur mes expériences personnelles, je ne sais pas me faire d’opinion sur l’offshore. Je trouve que cela dépend surtout de la personne sur laquelle je tombe!
Par contre, à titre professionnel, j’ai déjà eu à faire avec l’offshore. Je précise que c’était dans le cadre de projets IT. La réalisation technique (le développement, la maintenance) étaient confiés à des équipes à l’étranger.
Offshore en Europe de l’Est
Dans un premier cas, j’ai travaillé avec un pays d’Europe de l’Est. Pas de problème de compétences, de langue ou de décalage horaire. Des équipes devaient réaliser des développement sur une application déjà en Production. C’est-à-dire déjà utilisée au quotidien par des opérationnels.
Un jour, on remonte un problème bloquant et on le notifie aux équipes techniques. Mais la réactivité n’est pas suffisante. Le temps de résolution devient un peu trop long et mon client s’impatiente. En tant que Chef de Projet, j’essaye d’orchestrer les tâches…
Je décide donc de mettre en place une cellule de crise. J’impose des points toutes les 4 heures pour suivre les investigations et la correction du problème… Mais mon interlocutrice, la « chef de projet Offshore » me dit qu’elle ne pourra pas être présente aux réunions du lendemain… J’insiste… Elle s’excuse… J’insiste encore et après de longues minutes, elle finit par m’expliquer qu’elle est… « à l’école » le lendemain!
Bah oui… en Offshore, on connaît moins ses homologues et du coup, le prestataire en avait profité pour positionner des stagiaires et des alternants sur mon projet!
Offshore en Asie
Dans un deuxième cas, j’ai travaillé avec une équipe en Asie.
Officiellement l’équipe parlait Français. Les livrables et la documentation sur lesquels notre client imposait le Français ne posaient donc pas de problème… Sauf qu’on avait quand même un peu de mal à se comprendre…
Nous envoyions des Spécifications et les développements ne répondaient jamais totalement au besoin exprimé. Alors, nous avons donc cherché comprendre et avons demandé à voir les documents de travail et spécifications techniques utilisés par les développeurs.
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous avons vu que nos expressions de besoins passaient à la moulinette d’une traduction automatique?… De Français elles étaient traduites en Anglais et ensuite en langue locale… Forcément les subtilités du fonctionnement attendu, passaient un peu à la trappe!
D’autres critiques
Je précise (et mes cheveux blancs en témoignent!) que ces expériences datent d’il y a quelques années. Il y a de fortes chances que les choses soient plus sous contrôle aujourd’hui. Toutefois, vous comprendrez que je sois encore un peu réticent à basculer dans un modèle Offshore.
D’ailleurs, l’offshore fait l’objet d’autres critiques. On dénonce, l’impact environnemental lorsqu’il y a transfert de marchandises ou encore la destruction d’emploi dans le pays d’origine. Certains parlent aussi de « réflexe colonialiste ». Mais il y a un point qui me semble assez important pour être souligné.
En effet, un des retours que des confrères me font c’est le problème du Turnover. Je m’explique. Dans les pays à bas coût, les salaires sont bien inférieurs aux nôtres. Pour vous en convaincre jetez un œil à mon article sur Factfulness de Hans Rosling. Du coup, pour attirer les meilleurs salariés, les prestataires d’offshore, se livrent à la surenchère sur les salaires. En conséquence, les salariés tournent d’un prestataire à l’autre. L’entreprise ayant décidé de délocaliser fait alors face à un turnover sur lequel elle n’a pas la main. Avec potentiellement de la perte de connaissance et d’efficacité. Voire un passage des démissionnaires à la concurrence… Comme toujours la protection des données est alors cruciale!
Quelles alternatives à l’Offshore?
Aujourd’hui, il me semble que les entreprises sont un peu revenues du modèle de l’offshore. Et avec l’épisode du Covid 19, certains semblent vouloir inverser une tendance qui dure depuis le début des années 2000. Toutefois, il reste difficile d’avoir des chiffres concrets sur le sujet.
A mon sens, des alternatives existent aujourd’hui pour réduire ses coûts sans délocaliser. Ce sont même des options plus faciles à mettre en place et qui permettent des gains de productivité.
En premier lieu, la remise en cause de vos processus. C’est une façon de viser l’excellence opérationnelle. Pour cela mettre en place des démarches d’amélioration et faire la chasse aux gaspillages est une bonne pratique.
Ensuite, penser outil. De nombreux outils et solutions applicatives s’inscrivent dans l’amélioration des opérations. C’est le cas notamment de ce qu’on appelle le RPA ou « Robotic Process Automation« . Ces derniers cherchent à éliminer les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée.
Comme quoi, l’offshore ne les avait pas complètement éliminées finalement! Il reste toujours quelque chose à améliorer quelque part. C’est le principe même d’une organisation performante.
Les sujets qui m’intéressent le plus sont Data, Organisation et Temps Réel !
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